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Fievre des iles
Le soleil s'est-il brisé sur ta tête pour que tu sentes ses éclats s'enfoncer dans l'arbre qui soutient ton dos, puis vriller à sec dans les branches de ton corps ? Ton crâne est un énorme fruit vert que mûrit la canicule de tous les Tropiques, de tous les Tropiques, mais sans la fraîcheur de leurs palmiers ni de leur brise marine ! Ta gorge est sèche, tes yeux s'enflamment ; et voici que tu vois, au-delà de ce que voient les hommes, tous les Tropiques : voici des makis parés comme des mariés ; leurs quatre mains sont chargées de régime de bananes, et chargées de fleurs jamais vues par ceux qui ne sont pas des gens et, parmi leur voix heureuse de se baigner au soleil, voici tout le tumulte des cascades. Mais, simultanément, est-ce la glace de la terre qui t'appelle qui déjà t'enveloppe tout entier, pour que tu sentes ce frisson à travers tout ton être, et pour que tu sembles vouloir te cacher sous les nuages du ciel et sous toutes les feuilles des sylves insulaires, et sous toutes leurs lourdes brumes, et sous les dernières pluies au parfum de lait brûlé. Scelle fortement tes lèvres afin que n'en sorte aucune des choses que tu vois, mais que ne voient pas les autres ! Que te berce cet écho qui s'amplifie dans tes oreilles, lesquelles sont devenues deux coquillages jumeaux où palpite la mer qui t'entoure, ô jeune enfant des îles !
......Jean Joseph Rabearivelo
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